Littérature collégiale
Le monde matériel est plein d'analogies exactes avec l'immatériel,
et c'est ce qui donne une couleur de vérité à ce dogme rhétorique,
qu'une métaphore ou une comparaison peut fortifier un argument
aussi bien qu'embellir une description.
- Edgar Allan Poe

Les figures de style

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À quoi ça sert?

La figure de style est un procédé d’écriture par lequel l’écrivain vise à obtenir un effet particulier.  L’identification de ces figures de style et l’étude des effets recherchés sont des points clés de la compréhension d’un texte.

 
Les figures de style peuvent être classées selon qu’elles servent à : 

1. Établir des analogies entre des réalités appartenant à des domaines différents ou  substituer un terme à un autre, créant un effet de surprise.
2. I
nsister sur une idée, sur une réalité, ou au contraire l’atténuer.
3. Opposer deux réalités contraires afin de mettre en relief l'intensité de leur différence.

1.1 La comparaison
La comparaison rapproche, à l’aide d’un outil de comparaison nommé comparatif (comme, tel, semblable à…) deux termes appartenant à des domaines différents mais ayant un point en commun ; ce sème commun peut être exprimé ou ne pas l’être.


Exemple :

La jeune fille, vive et preste comme un oiseau
(Une allée du Luxembourg, Nerval)

Comparé (qu'est-ce qui est comparé?) : la jeune fille
Comparant (à quoi compare-t-on?) : un oiseau
Sème commun : vive et preste
Comparatif : comme
   

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1.2 La métaphore
La métaphore est une comparaison incomplète ; tous les éléments ne sont pas donnés.

Très souvent, il manque le comparatif. 

Exemple :


La vie est un éclair

(La vie est un éclair, Pierre Mathieu)

Parfois, le comparé ou le comparant ne sont pas exprimés explicitement : 

Exemple :

Déjà la nuit en son parc amassait

Un grand troupeau d’étoiles vagabondes
(L’Olive, Du Bellay)

Ici, le comparé est la nuit, le comparant n'est pas explicite, mais le lecteur peut le retrouver par analogie : l'image du troupeau assimile la nuit à une bergère et les étoiles à des moutons.

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1.3 La métaphore filée
Une métaphore filée développe une métaphore tout au long d’un texte en y insistant.

Exemple :

La vie humaine est semblable à un chemin dont l’issue est un précipice affreux. […] Il faut sans cesse avancer vers le précipice. […] Encore si je pouvais éviter ce précipice affreux! […] Toujours entraîné, tu approches du gouffre affreux  […]
(Sermons, J.-B. Bossuet)


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1.4 La métonymie
La métonymie consiste à désigner un élément par un autre élément ayant avec le premier une relation logique.

Exemple :     
 

Buckingham a démenti                          (Le lieu pour la personne)
Boire la mort                                           (L’effet pour la cause)
Boire une bouteille                                
(Le contenant pour le contenu)
Prenez votre Shakespeare                   (La cause pour l'effet)
Une robe est passée dans ma vie       
(L’objet pour son propriétaire)

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1.5 L’allégorie

L’allégorie permet de rendre concrètes des données abstraites.  L’allégorie comporte un second degré symbolique et elle peut faire état d’une oeuvre entière (ex : les fables de Lafontaine)


Exemple :

Je veux peindre la France une mère affligée
Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée.
 
(Les tragiques, R. D’Aubigné)
Cette allégorie fait l’objet de tout son poème.
  

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1.6 La synecdoque

La synecdoque consiste, elle aussi, à désigner un élément par un autre mais il s’agit ici d’un seul type de relation : l’inclusion.  On désigne ici le tout par la partie afin de raccourcir un énoncé et d’en donner une vision fragmentaire plus frappante.

Exemple :

Je vous envoie un bouquet que ma main (→ pour le poète lui- même) vient de trier des ces fleurs épanouies.
(Continuation des amours, Ronsard)

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1.7 La périphrase
.La périphrase est une figure de style qui consiste à remplacer un mot par sa définition ou par une expression plus longue, mais équivalente.  Autrement dit, elle consiste à dire par plusieurs mots ce que l'on pourrait exprimer par un seul. 

Exemple :

La ville Lumière (→ mis pour Paris) 
Le petit écran (→ mis pour la télévision)

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2. Les figures d'atténuation et d'insistance

2.1 L’euphémisme
L’euphémisme emploie des termes adoucis pour désigner une réalité cruelle ; on le trouve souvent dans des textes ayant comme sujet la maladie et la mort.

Exemple :

Las! Le temps, non, mais nous nous en allons

Et tôt serons étendus sous la lame
(Continuation des amours, Ronsard)

La brutalité de la mort est atténuée par l’emploi de nous nous en allons et étendus.

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2.2 La litote
La litote consiste à dire moins pour faire entendre plus.  Elle convient bien aux dialogues pour lesquels le direct et la passion sont interdits.

Exemple :

Chimène dit à Rodrigue : Va! Je ne te hais point. - Pour exprimer qu'elle l'aime passionnément
(Le Cid, Corneille)

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2.3
 L’anaphore
Cette figure se caractérise par la répétition insistante du ou des mêmes termes d’une phrase ou d’un segment de phrase.  Cette répétition lancinante crée un effet d’écho, d’obsession ou de persuasion.

Exemple : 

Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine,
Plus que mon Loire gaulois que le Tibre latin,
Plus mon petit  Liré que le mont Palatin
(Les regrets, Du Bellay)

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2.4 Le parallélisme
Le parallélisme est une analogie de construction.  La régularité du rythme crée un balancement, un équilibre, qui met en valeur l’idée contenue dans ces propositions.

Exemple :

Je meurs si
je vous perds ; mais je meurs si j’attends.

(Andromaque, Racine)

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2.5 La gradation
Cette figure représente une succession de termes d’intensité, souvent croissante.  La gradation juxtapose ou coordonne des éléments en progression ascendante ou descendante.

Exemple :

Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples passés au fil de l’épée
(Essais, Montaigne)

Va, cours, vole et nous venge.
(Le Cid, Corneille) 

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2.6 L’accumulation
Figure de style qui se traduit par une énumération d'éléments appartenant à une même catégorie (de même nature, de même fonction grammaticales…) et qui crée un effet de profusion.

Exemple :

Quand on m'aura jeté, vieux flacon désolé,
Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé
(Charles Baudelaire)

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2.7 L’hyperbole

Cette figure de style est celle de l’exagération.  L’hyperbole aboutit à l’emploi d’un terme excessif, exagéré.  Les amplifications de cette figure visent à faire ressentir la grandeur, l’importance d’un énoncé.

Exemple :   
  
- J’ai vu, dit-il, un chou plus grand qu’une maison.
 - Et moi, dit l’autre, un pot aussi grand qu’une église.
(Fables, La Fontaine)


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3. Les figures d'opposition


3.1 L’antithèse

Les termes de l’antithèse expriment des réalités contraires.  Elle oppose deux termes afin d’en exprimer le caractère conflictuel, paradoxal, voire monstrueux d’une situation.  Le repérage de cette figure de style permet de dégager des éléments de conflit, de contraction.

Exemple :

Le feu vous gèlera  (Les tragiques, R. D’Aubigné)

La pluie nous sécha (Corps et biens, Robert Desnos)

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3.2 L’oxymore
L’oxymore associe deux termes de sens contraires dans le même groupe de mots et crée une réalité inattendue, différente de la réalité existante, qui attire l’attention et frappe la sensibilité.

Exemple :

Cette obscure clarté qui tombe des étoiles (Le Cid, Corneille)

Ces fous normaux (Des femmes qui tombent, Pierre Desproges)

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3.3 L’antiphrase
Procédé qui consiste à exprimer une idée par son contraire. L’ironie repose souvent sur l’antiphrase.

Exemple :

« Tes résultats à l’examen sont vraiment exceptionnels ! » dans le sens de « Tes résultats à l’examen sont vraiment catastrophiques. » 

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